Un texte de nos invités Chris Collins & Mark P. Lagon

Chris Collins est président et chef de la direction et Mark P. Lagon est directeur des politiques chez Friends of the Global Fight Against AIDS, Tuberculosis and Malaria. Friends plaide pour mettre fin à ces pandémies grâce à l’investissement des États-Unis dans le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et dans d’autres programmes mondiaux dans le domaine de la santé – travaillant avec d’autres organismes mondiaux à but non lucratif dans le domaine de la santé, des partenaires du secteur privé et des communautés touchées par des pandémies.  

 Clause de non-responsabilité :Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas le point de vue de Vestergaard ou PermaNet®.

Quelle est la préoccupation la plus immédiate à l’heure actuelle alors que nous continuons à plaider en faveur d’un soutien contre le paludisme pendant la pandémie de COVID-19 ?

Reconnaissant la crise que pose la pandémie de COVID-19 – à la fois en tant que défi sanitaire à part entière, mais aussi en tant que menace potentielle pour la viabilité des programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme – le Fonds mondial a fait progresser son mécanisme d’intervention contre la pandémie de COVID-19. Au 14 août 2020, le Fonds mondial a approuvé un financement de près de 698 millions de dollars américains pour soutenir les efforts de lutte contre le COVID-19 dans 113 pays. Ce financement soutient les interventions nationales contre le COVID-19 et les améliorations apportées aux systèmes de santé et communautaires et atténue également l’impact de la pandémie sur les services essentiels de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il est essentiel, par exemple, d’atténuer l’effet du COVID-19 sur la lutte contre le paludisme.

Cependant, alors même que le nombre de victimes du COVID-19 continue d’augmenter dans le monde entier, le mécanisme d’intervention contre l’épidemie de COVID-19 du Fonds mondial commence à manquer d’argent. Cela pourrait mettre en péril la capacité des pays d’accéder aux ressources essentielles pour répondre aux exigences actuelles et futures du COVID-19. Pour garantir que les pays soient en mesure d’obtenir un financement vital pour les interventions en matière de santé au cours des deux prochaines années, le mécanisme d’intervention a besoin d’une contribution supplémentaire de 4 milliards de dollars des États-Unis. (Cela représente environ un tiers des besoins globaux couverts partous les donateurs – ce qui reflète la part des ressources du Fonds mondial à laquelle le Congrès américain s’est engagé.)

Quel rôle pensez-vous que le secteur public peut jouer? Et le secteur privé?

Un défi aussi énorme que l’épidemie de COVID-19 nécessite l’aide de toutes les sources possibles. En plus de travailler pour maîtriser le COVID-19, nous avons tous un intérêt à garantir que d’autres programmes de santé publique essentiels, y compris les efforts de lutte contre le paludisme, soient préservés et renforcés en ces temps incertains.

Nous ne pouvons pas relever le défi du COVID-19 sans une action intelligente, solide et soutenue du secteur public. Les gouvernements nationaux représentent plus de 90 % des contributions au Fonds mondial, fournissent des fonds à d’autres agences multilatérales dans le domaine de la santé et disposent souvent de canaux bilatéraux d’assistance sanitaire aux pays à revenu faible ou intermédiaire.  

Mais le rôle du secteur public dans la lutte contre le COVID-19 va bien au-delà de l’argent.Depuis la crise du COVID-19 que nous traversons jusqu’ici,, nous avons appris que les interventions nationales fonctionnent mieux lorsqu’elles sont dirigées par des gouvernements qui communiquent des messages clairs et cohérents sur l’importance de la distance physique, du port de masques et de la prise d’autres mesures éprouvées pour ralentir le propagation du nouveau coronavirus. Le secteur public doit garantir des investissements suffisants dans les programmes de dépistage, de traçage des contacts et de traitement.

Compte tenu de la vitesse et de la férocité avec lesquelles la pandémie de COVID-19 s’est propagée, les dirigeants publics seront inévitablement tentés de détourner des fonds d’autres priorités sanitaires pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Ce serait une erreur tragique. Une étude de modélisation récente a révélé que la perturbation des programmes de lutte contre le paludisme due au COVID-19 pourrait faire doubler l’incidence du paludisme, ce qui pourrait entraîner 81 000 décès supplémentaires dus au paludisme au Nigéria seulement. S’il y a une chose que la pandémie de COVID-19 nous a enseignée, c’est que nous avons largement sous-investi dans les programmes de santé de toutes sortes. Plutôt que de détourner des fonds critiques des programmes de santé essentiels pour payer les interventions contre le COVID-19, nos dirigeants publics doivent mobiliser la volonté d’augmenter les investissements dans les programmes de santé en général.

Nous avons également besoin du leadership et de l’engagement du secteur privé si nous espérons maîtriser le COVID-19 et préserver les progrès que nous avons réalisés dans la lutte contre d’autres maladies infectieuses de premier plan. Les dirigeants de l’industrie privée et de la philanthropie devraient exhorter leurs gouvernements à augmenter le financement du Fonds mondial afin de combler le déficit de financement du mécanisme d’intervention contre la pandémie de COVID-19 et de garantir des progrès continus dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le secteur privé a également un rôle unique à jouer dans la production des diagnostics, des thérapies et des vaccins nécessaires pour lutter contre le COVID-19 et contre d’autres maladies infectieuses. Il s’agit là d’un rôle crucial de longue durée dans l’innovation en matiière de prévention et de lutte contre le paludisme.

Quelles leçons pouvons-nous déjà tirer de l’intervention contre la pandémie de COVID-19 ?

Nous avons appris que les États-Unis, le principal fournisseur d’assistance sanitaire mondiale, ne sont pas à l’abri des menaces mondiales de maladies infectieuses. Avec seulement environ 4 % de la population mondiale, les États-Unis enregistrent près d’un décès sur quatre suiteau COVID-19. La vulnérabilité des États-Unis à une pandémie et le besoin de se préparer ont été clairement perçus. Dans un monde étroitement lié par le commerce, les liens familiaux et les liens culturels, aucun pays, même le plus puissant du monde, n’est à l’abri des risques posés par les maladies infectieuses.

Nous avons également tiré de dures leçons de l’importance cruciale de la préparation à une pandémie. La force et la viabilité des systèmes de santé dans les continents éloignés ne sont pas un problème lointain.

Une chose que nous avons apprise est que les pays qui ont bénéficié d’un financement solide pour le sida, la tuberculose et le paludisme ont été mieux préparés que d’autres pays à pivoter rapidement pour réagir au COVID-19. Cela reprend les leçons tirées de la précédente épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014-2015, où les pays qui avaient construit des infrastructures de santé grâce à des investissements dans la lutte contre le sida ont obtenu des résultats comparativement meilleurs que leurs voisins dans leur lutte de maîtriser l’épidémie d’Ebola. Les investissements du Fonds mondial ont contribué à la résilience et à la capacité des systèmes de  santé communautaire à mesure que de nouvelles pandémies comme Ebola sont apparues. Le financement crucial fourni pour le sida, la tuberculose et le paludisme doit être accompagné d’investissements axés sur le renforcement de la préparation aux pandémies dans toutes les régions du monde. À l’avenir, la préparation aux pandémies doit être une priorité, tant dans les investissements nationaux que dans l’assistance sanitaire internationale. Le pandémie de COVID-19 a servi de rappel douloureux que les urgences sanitaires infligent presque toujours le plus de tort aux personnes les plus vulnérables et marginalisées. Partout dans le monde, nous avons vu que les personnes qui sont les plus pauvres sont plus vulnérables au COVID-19. Les personnes atteintes de maladies chroniques préexistantes sont plus susceptibles que les personnes en meilleure santé d’avoir de mauvais résultats lorsqu’elles sont infectées par le coronavirus. Nous avons également vu comment la stigmatisation, la violence et d’autres préjudices sociaux associés au COVID-19 sont les plus susceptibles d’être subis par les femmes, les filles, les migrants et d’autres communautés marginalisées.

Quel est le meilleur scénario dans lequel nous cherchons actuellement à prévenir le paludisme ? Alors que nous commençons à mieux contrôler le COVID-19 ?

Notre meilleur espoir est que le monde – y compris les États-Unis – intervienne pour  fournir les fonds nécessaires qui permettront au Fonds mondial et à d’autres fonds de soutenir les pays dans leurs efforts pour réagir au COVID-19 et atténuer les effets de la pandémie sur les effort de lutte contre le paludisme. Ce leadership tiendrait compte de l’une des leçons essentielles de la pandémie de COVID-19 – que nous avons sous-investi dans la santé et que nous avons sous-priorisé les efforts de lutte contre les maladies infectieuses. On ne saurait trop insister sur les avantages potentiels d’un tel leadership. Selon une analyse récente de chercheurs de l’Imperial College de Londres, le monde pourrait réduire de moitié les décès dus au paludisme en Afrique en soutenant la distribution de moustiquaires dans le contexte du COVID-19.

Chris Collins
Président et chef de la direction,
Friends of the Global Fight
Against AIDS, Tuberculosis and Malaria

Mark P. Lagon
Directeur des politiques,
Friends of the Global Fight
Against AIDS, Tuberculosis and Malaria