Les collaborations sont cruciales pour garantir des initiatives menées par l'Afrique dans la lutte contre le paludisme.
À l’occasion de la 8ème conférence et exposition annuelle de la Pan-African Mosquito Control Association (PAMCA), nous nous sommes entretenus avec Duncan Kobia Athinya et James Mutunga, entomologistes chez Vestergaard, afin de discuter de l’importance des collaborations et des partenariats dans les initiatives menées par les pays africains dans la lutte contre le paludisme.
En 2013, à l’occasion de la 6ème conférence consacrée à l’Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM) tenue à Durban, Vestergaard s’est associé à un groupe de scientifiques africains, dirigé par les professeurs Charles Mbogo et Emma Orefuwa, afin de discuter du soutien à apporter à une association panafricaine de scientifiques œuvrant dans la lutte contre les moustiques. C’est ainsi qu’est née la PAMCA, dont la première conférence s’est tenue à Nairobi, au Kenya, en octobre 2014. Depuis ses débuts, l’association a accueilli de plus en plus de membres et poursuit sans relâche sa volonté de rassembler les parties prenantes, d’établir des liens, une relation de confiance et une bonne cohésion afin de lutter le plus efficacement possible contre le paludisme et autres maladies à transmission vectorielle en Afrique et dans le monde entier.
Le paludisme frappe la moitié de la population mondiale et tue plus de 400.000 personnes chaque année. C’est en Afrique subsaharienne que la grande majorité de ces décès surviennent. En effet, toutes les deux minutes, un enfant meurt de cette maladie. Au cours de ces vingt dernières années, d’énormes progrès ont été réalisés dans la lutte mondiale contre le paludisme grâce à des innovations et des collaborations. Ces progrès ont permis de prévenir 1,7 milliard de cas et de sauver 10,6 millions de vies. Néanmoins, beaucoup de chemin reste à parcourir.
Le paludisme frappe plus durement les plus démunis, qui n’ont pas forcément les moyens d’accéder à des mesures préventives et à des traitements médicaux. C’est à cause de ce manque de moyens financiers que les acteurs du secteur ont longtemps refusé d’investir dans des outils de lutte contre le paludisme. Pour ne rien arranger, le manque de financement au niveau international et national compromettait sérieusement toute perspective de progrès. Pour pallier ce problème, il était nécessaire de bien comprendre les vecteurs du paludisme afin de développer des solutions adaptées, de nouvelles capacités d’action et, finalement, de susciter l’intérêt des jeunes scientifiques africains. La PAMCA est parvenue à développer ce projet au fil des années, en élaborant ses objectifs et en acheminant des fonds substantiels provenant de donateurs et de partenaires tels que Vestergaard.
Sa mise en œuvre, accompagnée d’interventions efficaces et d’un véritable engagement politique, a grandement contribué à alléger le fardeau de la maladie. Les efforts déployés ont non seulement permis de mettre au point de meilleures stratégies d’intervention contre le paludisme grâce aux travaux de recherche axée sur la découverte, mais également de réaliser d’importants progrès en intégrant les communautés dans la lutte contre la maladie.
Renforcer la résilience grâce aux données
Nous sommes fiers de parrainer les conférences de la PAMCA. C’est l’occasion pour les scientifiques de partager leurs découvertes concernant les vecteurs du paludisme et de proposer des moyens d’optimiser les outils de lutte antivectorielle. Cette collaboration a permis d’offrir aux scientifiques africains une plus grande liberté de décision dans la lutte contre les moustiques, puisqu’ils ont désormais accès à des données entomologiques clés provenant de nombreux pays du globe. Ce feu vert leur a permis de développer des solutions localisées plus adaptées, plus durables et plus performantes dans la lutte contre le paludisme.
Bien que la plupart des pays africains soient plus ou moins confrontés aux mêmes problèmes de santé et de développement, ils ne partagent que rarement leurs connaissances et leurs données sur le sujet. Selon un rapport publié par l’agence Thomson Reuters en 2010, aucun des six pays africains les plus avancés dans la recherche (Algérie, Égypte, Kenya, Nigeria, Afrique du Sud et Tunisie) ne comptait un autre pays africain parmi ses cinq principaux partenaires collaborateurs. Un tel manque de collaboration entre les pays endémiques du paludisme entraîne une dispersion des financements, limite le partage des connaissances et, au bout du compte, réduit nos chances de remporter la lutte mondiale contre le paludisme.
Contrairement aux pays et à leurs frontières géographiques et politiques qui viennent entraver toute collaboration, les maladies, elles, n’ont pas de frontières et le coût de leur propagation effrénée a atteint des sommets sur le continent. En 2014-2015, l’épidémie d’Ebola a entraîné des pertes estimées à 2,2 milliards de dollars pour la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone, dont l’économie est déjà durement touchée. Ebola n’en était pas à sa première apparition sur le continent africain, puisque l’Ouganda et la République démocratique du Congo avaient déjà subi des épidémies. Cependant, en l’absence de collaboration transfrontalière, le partage des données s’avérait délicat. Or, l’accès aux données permet justement de renforcer la résilience face aux urgences de santé publique.
Des initiatives menées par les pays africains
Nous devons impérativement travailler main dans la main afin de corriger nos erreurs du passé et d’enfin tirer parti de nos possibilités de collaboration. La génomique est essentielle à l’élimination du paludisme. Tout récemment, des scientifiques africains de la PAMCA ont bénéficié de formations approfondies dans ce domaine. La création d’assemblées de référence et de bases de données sur le polymorphisme des parasites et des vecteurs du paludisme nous a permis de mieux comprendre les divers aspects de la biologie du paludisme de ces 15 dernières années. Les stratégies de contrôle et d’élimination du paludisme reposent en grande partie sur les données génomiques des populations naturelles. La génomique nous permet à la fois de bien comprendre la biologie des vecteurs, de suivre la répartition et l’évolution des écotypes, d’identifier les espèces envahissantes et de relier tous ces facteurs au comportement des vecteurs et à l’influence qu’ils exercent sur la transmission du paludisme.
Il ne faut pas non plus négliger l’impact social positif. En effet, ces collaborations permettent également de mutualiser les ressources humaines et de proposer aux communautés des offres d’emploi. L’Afrique voyait chaque année nombre de ses scientifiques quitter le continent pour rejoindre les pays développés, faute d’infrastructures et d’encadrement. Mais grâce à de telles initiatives, le continent n’a jamais compté autant de scientifiques et de laboratoires de recherche qu’aujourd’hui. Aussi est-il impératif que les institutions poursuivent leur collaboration afin de former les futurs spécialistes.
Le paludisme ne connaît pas de frontières. Si nous voulons l’éliminer, il nous faut plus que jamais collaborer. À ce titre, Vestergaard recherche et encourage activement des partenariats avec d’autres acteurs, notamment des particuliers, des instituts de recherche, des universités, des agences gouvernementales et des organisations non gouvernementales. Sans oublier les organismes internationaux avec lesquels nous partageons nos connaissances et notre point de vue sur la lutte contre le paludisme et autres maladies à transmission vectorielle.
En définitive, il faut avant tout que nous déployons tous ensemble des efforts durables afin de lutter plus efficacement contre le paludisme. Le contrôle et l’élimination du paludisme en Afrique sont soumis aux menaces suivantes : l’urbanisation incontrôlée, les espèces envahissantes susceptibles de favoriser la transmission du paludisme en milieu urbain et le changement climatique, et tout ceci implique le recours à de meilleures technologies pour lutter contre la maladie. C’est à l’Afrique elle-même qu’il revient de trouver des solutions à ses défis sanitaires majeurs. Le continent doit impérativement mener son programme scientifique et de développement, au-delà du soutien extérieur dont il bénéficie. Comme le dit le proverbe africain : « Si tu veux aller vite, marche seul, mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ».