À la veille de la Journée mondiale du moustique, nous nous sommes entretenus avec Duncan Kobia Athinya et James Mutunga, entomologistes chez Vestergaard, afin de faire le point sur la situation actuelle du paludisme en Afrique.

La Journée mondiale du moustique est célébrée chaque année le 20 août, puisqu’il s’agit du jour où l’on a découvert que les moustiques transmettaient le parasite à l’origine du paludisme. C’est également l’occasion pour nous de réfléchir, de prendre des initiatives et d’honorer nos accomplissements en matière de lutte contre les moustiques en Afrique.

Entre 2000 et 2015, on estime que l’incidence du paludisme a diminué de 37 % et les taux de mortalité dus au paludisme de 60 %. Toutefois, cette baisse s’est par la suite atténuée et la tendance a même fini par s’inverser dans certains pays. À en croire les dernières données, la région africaine concentre encore aujourd’hui plus de 95 % des cas de paludisme et 96 % des décès, dont 80 % concernent les enfants de moins de 5 ans.   Dès lors, il est important de comprendre la situation actuelle du paludisme en Afrique afin de tout mettre en œuvre pour son élimination.

Selon le Rapport mondial sur le paludisme 2021, la résistance aux insecticides chez les moustiques porteurs du paludisme constitue l’une des menaces biologiques susceptibles de compromettre la lutte contre le paludisme et les mesures visant à limiter son développement, fixées dans le cadre de la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030 de l’OMS. De ce fait, il est essentiel de surveiller la résistance des moustiques.

IR Mapper consolide et visualise les données sur la résistance aux insecticides provenant de la littérature évaluée par des pairs, pour en faire des cartes conviviales et filtrables.

Mis au point en 2012, l’outil IR Mapper, fruit d’un partenariat entre l’Institut de recherche médicale du Kenya (Center for Global Health Research) et Vestergaard, a pour mission de regrouper, de visualiser et de mettre à jour mensuellement les données sur la résistance aux insecticides provenant de publications validées par des pairs. Les données sont centralisées sur des cartes ergonomiques et filtrables qui permettent de renseigner sur l’étendue de la résistance aux insecticides et de choisir les meilleurs insecticides dans les zones géographiques ciblées. Comme autre solution clé, citons notre collaboration avec les organismes de lutte contre le paludisme et les instituts de recherche sur le paludisme. Au Ghana, par exemple, nous collaborons avec le Noguchi Memorial Institute for Medical Research. Nous fournissons du personnel et du matériel permettant de tester les moustiques au National Insecticide Resistance Monitoring Partnership du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) lancé au Ghana. Cette contribution favorise la production de données sur la résistance aux insecticides et la création de cartes permettant de fournir des informations au service de la lutte contre les vecteurs du paludisme.

Un engagement stratégique

Afin de lutter efficacement contre le paludisme en Afrique, il est essentiel de déployer rapidement et équitablement des outils plus efficaces et d’établir des partenariats stratégiques. Si nous voulons éviter de régresser dans notre lutte, nous devons rapidement introduire une nouvelle génération de moustiquaires ainsi que des stratégies de lutte contre la résistance aux insecticides. Il n’est pas question de laisser aux moustiques le temps d’évoluer et de développer une résistance.

La moyenne d’utilisation des moustiquaires sur le continent avoisine les 50 %. Or, des études ont prouvé qu’en utilisant les moustiquaires de manière optimale, soit à hauteur d’environ 80 %, on parviendrait à réduire considérablement le nombre de cas de paludisme. Face à un tel écart, il est d’autant plus important de s’assurer que les MILDA en usage fonctionnent comme prévu. Pour ce faire, il est nécessaire de revoir entièrement le processus de commercialisation des produits, d’accélérer leur distribution et de procéder à une meilleure évaluation des performances des moustiquaires sur le terrain. Il est possible d’établir une collaboration plus stratégique en matière d’approvisionnement et de permettre aux fabricants de produits antipaludiques d’assurer un accès équitable à ces produits afin de faire avancer la lutte contre le paludisme. La pandémie de Covid-19 nous a prouvé que tout cela était possible. Alors, pourquoi ne pas en faire autant pour le paludisme ? Il est grand temps d’unir nos forces contre la maladie et sa transmission.