L’élevage de moustiques est une tâche difficile. Mais avec l’augmentation de la résistance aux insecticides, l’équipe de l’insectarium des laboratoires vectoriels Vestergaard-NMIMR au Ghana sait qu’il faudra redoubler d’efforts pour parvenir à déployer des moustiquaires plus performantes contre le paludisme. 

Chaque jour avant 8h du matin, Alidu, Sammy, Ibrahim et Sampson enfilent leurs blouses et leurs sabots au laboratoire vectoriel Vestergaard-NMIMR (LVVN) à Accra, au Ghana. C’est à ce moment-là que leur journée de travail débute.

L’élevage de moustiques au sein d’un insectarium est un travail laborieux et constant. La mise en place de routines est très importante.  

Au-delà d’un dévouement ardu, l’équipe de l’insectarium du LVVN est plus motivée que jamais à fournir suffisamment de moustiques adultes pour permettre des tests de moustiquaires à grande échelle.

Pour Ibrahim, c’est une occasion incroyable que de voir ce qu’il a appris en études de biologie prendre vie sous ses yeux.

« À l’époque, au lycée, nous étudions le cycle de vie des moustiques, de l’œuf à l’adulte. Mais tout cela n’était que théorique. C’est tout autre chose de voir ce phénomène se produire devant soi. C’est ce qui me motive », explique-t-il.

Alidu, Sampson, Ibrahim et Samuel élèvent les moustiques dans l’insectarium utilisé pour les tests à grande échelle des moustiquaires imprégnées d’insecticide.

Pour Sammy et Sampson, il y a une grande part de fierté à participer à la lutte mondiale contre le paludisme.

« Le paludisme est la maladie la plus mortelle au monde. Je sais qu’ici, je peux apporter mon aide dans cette lutte et cela me rend heureux », dit Sampson.

Sammy, lui, trouve fascinant de travailler sur l’un des insectes les plus petits, mais aussi l’un des plus mortels au monde, tout en sachant qu’il fait la différence : « En élevant des moustiques, j’aide à contrôler la propagation du paludisme et à sauver des vies. À notre petite échelle, nous contribuons à sauver la vie de beaucoup de personnes. Celles de nos familles, mais aussi celles d’autres personnes qui, dans les années à venir, joueront un rôle majeur dans leur pays et dans les années à venir. »

Une demande incessante

L’insectarium du LVVN produit plus d’un million de moustiques par an, un mélange d’Anophèles gambiae sensibles et résistants aux insecticides, et peut également accueillir des souches sauvages.

Les techniciens de laboratoire expliquent que les moustiques sont capables de se reproduire de façon extraordinaire.

« Ils se multiplient à grande échelle. Cinq cents moustiques peuvent pondre 100 œufs chacun, ce qui fait 50 000 œufs au total par cycle », explique Alidu.

Le maintien du cycle est un projet de grande envergure ; les techniciens doivent souvent ramasser chaque nymphe de moustique, parfois jusqu’à 2 000 nymphes chaque jour.

Sampson ramassant des pupes dans la salle des larves.

« Les tâches quotidiennes à l’insectarium sont très chargées et il est impossible de faire ce travail à mi-temps », poursuit Alidu.

Les moustiques requièrent une surveillance sept jours sur sept, 52 semaines par an. Alidu, Ibrahim et Dominic, qui travaillent dans un autre laboratoire, adaptent leurs jours de travail pour faire en sorte de couvrir l’insectarium le week-end.

L’équipe de l’insectarium cherche en permanence à améliorer les processus et les résultats afin que le LVVN soit prêt à faire face à de futurs défis.

Par exemple, les moustiques ne sont plus nourris de lapins vivants. Un système Hemotek est mis en place pour nourrir les moustiques à partir de réceptacles chauffés, contenant de petites quantités de sang de mouton sous des membranes artificielles. De plus, l’équipe vise toujours à améliorer et mettre à jour leurs compétences pour rester à la page des nouvelles tendances et techniques relatives aux insectariums mondiaux. 

Des recherches pour le futur

Les insectariums jouent un rôle crucial dans le développement de produits et le contrôle qualité des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA), qui tuent efficacement et au moindre contact les moustiques vecteurs du paludisme, mais qui peuvent également les repousser avant qu’ils ne se nourrissent du sang d’humains endormis.

D’après l’Organisation mondiale de la santé, au cours des deux dernières décennies les MILDA ont considérablement réduit la morbidité et la mortalité due au paludisme, et surtout en Afrique, qui enregistrait à elle seule 94 % des décès liés au paludisme en 2019.  

Premier producteur mondial de MILDA, Vestergaard a créé le LVVN dans le cadre d’un partenariat privé/publique en novembre 2011 avec le Noguchi Memorial Institute for Medical Research (NMIMR) de l’université du Ghana.

Depuis sa création, cet établissement est devenu crucial au déploiement de MILDA de haute qualité à travers l’Afrique sub-saharienne. À ce jour, il a généré des moustiques utilisés dans plus de 800 000 tests.Néanmoins, les moustiques s’adaptent et la résistance aux insecticides augmente. Le LVVN continue de jouer un rôle essentiel dans la recherche et le développement d’outils efficaces dans la lutte antivectorielle, et offre la possibilité de partage de connaissances, de développement des compétences et de collaboration.