Une équipe solide, des partenariats de qualité et l'innovation peuvent ouvrir de nouvelles voies dans la lutte contre le paludisme
Une crise politique, le coronavirus et une résistance grandissante aux insecticides sont quelques-uns des obstacles qui se dressent devant les laboratoires de lutte antivectorielle de Vestergaard et NMIMR au Ghana.
Afin de réussir, tout projet requiert beaucoup d’implication pour surmonter les obstacles. C’est cette volonté qui a poussé Joseph Chabi à développer une colonie de moustiques dans sa chambre.
Son insectarium grandissant allait finalement être utilisé par le laboratoire créé par Vestergaard et le NMIMR au Ghana, dans le but de rigoureusement tester les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA).
Pionniers dans ce domaine, Vestergaard effectuait déjà des tests sur les sites de fabrication au Vietnam. Il s’était néanmoins rapidement avéré que les tests devaient être effectués en Afrique, berceau d’environ 95 % des cas et décès liés au paludisme.
La lutte contre le paludisme est un combat, mais la mission complexe et exigeante d’élevage de moustiques, nécessaire à ce combat, représente déjà une lutte en elle-même.
En 2011, M. Chabi, assistant principal de recherche, s’est occupé de ses œufs de moustiques en attendant la construction du laboratoire.
« Mon but initial était d’élever les premières larves pour produire des adultes. Rapidement, quatre étudiants se sont joints à moi chaque matin dans mon appartement pour tester tous les échantillons de moustiquaire fabriqués et expédiés par l’entreprise. »
La création du laboratoire s’est révélée assez difficile.
Un an plus tôt, M. Chabi avait commencé à effectuer des tests dans un laboratoire à Abidjan, en Côte d’Ivoire, lieu du premier partenariat initié par Vestergaard. Malheureusement, la crise politique ivoirienne contraignit l’organisation à déplacer le laboratoire au Ghana. Ceci engendra une nouvelle collaboration avec le NMIMR à l’université du Ghana.
« Les temps étaient durs. Nous devions partir de zéro pour chaque élément : poser la première pierre, trouver des partenaires, trouver des ouvriers, tout », explique M. Chabi.
Six mois plus tard, les laboratoires vectoriels Vestergaard-NMIMR (LVVN) ouvraient leurs portes. En ce mois de novembre, Vestergaard et NMIMR célèbrent 10 années de collaboration.
Innovation, travail d’équipe et collaboration
En plus d’assurer le suivi des outils existants, LVVN soutient la recherche et le développement de nouveaux outils de lutte antivectorielle.
La lutte contre le paludisme s’intensifie. Le rapport mondial de 2020 sur le paludisme indique que la réduction des cas entre 2000 et 2015, due notamment au déploiement massif des MILDA, semble s’être ralentie à la suite de l’augmentation de la résistance aux insecticides.
L’innovation est la clé. Les MILDA Vestergaard uniquement à base de pyréthroïdes (PermaNet® 2.0) évoluent alors vers des moustiquaires à base de pipéronyle butoxyde (PBO) et de pyréthroïdes (PermaNet® 3.0) utilisant un synergiste qui rétablit la sensibilité de certains types de moustiques résistants. Des produits encore plus complexes sont en préparation.
« Nous avons pu fournir beaucoup de données pour rassurer les populations qui achètent ces moustiquaires », a expliqué M. Chabi.
Melinda Hadi, directrice du développement de marché et de l’accès au marché au département santé publique chez Vestergaard, a passé deux ans au Ghana lors de la mise en place de LVVN. Elle se considère privilégiée d’avoir pu assister au développement de l’établissement.
« Sa force aujourd’hui est due à son équipe. La plupart sont diplômés d’universités ghanéennes. Nous croyons au développement de jeunes scientifiques, et ceci fait partie du partenariat avec NMIMR » a précisé Melinda Hadi. En 2021, l’équipe est constituée de 14 ghanéens, dont une majorité de femmes aux postes de direction.
Le point central de recherche et d’innovation est la collaboration avec des partenaires extérieurs. Sur la décennie, NMIMR a travaillé avec des institutions académiques et des parties prenantes dans la lutte antivectorielle dans le monde entier. LVVN offre aux collaborateurs une grande capacité en termes d’insectariums et de tests biologiques lors d’essais en laboratoires et sur le terrain, des formations en entomologie, et accueille des projets de recherche locaux et internationaux.
« C’est un bel exemple pour montrer ce qui peut être entreprit avec de l’engagement et un plan d’action », expliquait Mme Hadi.
Des forces uniques
Le docteur Eleanore Sternberg a été recrutée via la Liverpool School of Tropical Medecine (LSTM) pour travailler de concert avec Vestergaard. Elle supervise les actions quotidiennes de LVVN et décrit le partenariat privé/publique entre Vestergaard et NMIMR comme étant « unique ».
« NMIMR a créé de l’espace pour des laboratoires, d’un point de vue littéral en fournissant terrains, ressources et personnel, mais aussi métaphoriquement en créant un espace dans leur communauté de recherche. Vestergaard a assuré le financement et a mis au point les missions des laboratoires. LVVN est en mesure d’effectuer des tests et de la recherche indépendants sans avoir à se préoccuper du cycle de subventions qui pèse sur les chercheurs académiques. Nous pouvons être très fiers de cette relation. »
Selon Mme Hadi, Vestergaard se distingue par sa capacité à mener ses tests en interne.
« Les tests sont les piliers de notre manière d’aborder notre travail, à la fois dans l’innovation et dans notre programme d’assurance qualité. »
D’après Rebecca Pwalia, assistante de recherche en chef, il est difficile d’élever des moustiques. Mais l’équipe s’est montrée à la hauteur : tout au long de la pandémie de COVID-19, les laboratoires sont restés ouverts.
« C’est un travail très fatigant. Il faut toujours qu’une personne couvre l’insectarium, donc nous devons être flexibles dans nos horaires. Il faut parfois travailler le week-end ou les jours fériés. Mais notre équipe prend ce rôle très au sérieux. Je dirais que nous avons le meilleur insectarium du pays car nous avons des moustiques tout au long de l’année. »
Une « période passionnante » dans la lutte antivectorielle
D’ici une décennie, Vestergaard et NMIMR voient un avenir brillant pour leur partenariat.
Le docteur Samuel Dadzie, entomologiste médical et chercheur principal au département de parasitologie de NMIMR, pense que la guerre contre le paludisme à des chances de victoire.
« Nous devons sortir des sentiers battus. Nous espérons pouvoir développer de nouveaux outils de contrôle des vecteurs et de nouvelles innovations pour nous orienter vers l’élimination des maladies vectorielles, y compris le paludisme. » a-t-il expliqué
Alors que le combat contre la résistance aux insecticides redessine le paysage de la lutte antivectorielle d’une manière inédite et complexe, le docteur Sternberg explique que les produits doivent se diversifier : « Nous vivons une période passionnante dans la lutte antivectorielle. Ce serait idéal d’avoir plus de diversité dans les types de résistance que nous pouvons tester. Les insecticides agissent différemment d’un moustique à l’autre. »
Le docteur Sternberg et Mme Pwalia sont d’accord sur le fait que des tests plus complexes nécessiteront des équipes avec des connaissances approfondies en entomologie et en moustiques.
« J’espère pouvoir intéresser plus de personnes dans ce domaine. J’espère pouvoir tuteurer plus d’entomologistes médicaux », expliquait Mme Pwalia.
Selon le docteur Sternberg, des collaborations plus poussées en matière de recherche faciliteront également la prise de décision.
« Tout le monde se préoccupe de l’éradication du paludisme. Cette collaboration nous permet d’avoir un groupe diversifié de personnes, avec des perspectives différentes sur la façon d’y parvenir. »Un grand merci au professeur Daniel Boakye du département de parasitologie de NMIMR, et au docteur Helen Pates Jamet, ancienne directrice du département d’entomologie à Vestergaard Sàrl, qui a aidé à mettre en place ce partenariat. Merci également à toutes les personnes du département de parasitologie et aux directeurs de NMIMR de l’avoir soutenu.