Questions- Réponses avec Joseph Ndung’u, chef du programme MTN chez FIND, et directeur exécutif de FIND Kenya

Depuis plus de deux décennies, Vestergaard dédie sa plateforme innovante au développement de produits et aux engagements de partenaires visant à réduire le fardeau que sont les maladies tropicales négligées (MTN). Un travail intensif pour réduire l’incidence de la maladie du sommeil est au cœur de nos efforts.

La forme gambienne de la trypanosomiase humaine africaine (THAg ou maladie du sommeil) est une maladie à transmission vectorielle transmise par les mouches tsé-tsé, qui menace plus de 56 millions de personnes dans les zones à haut risque1,2. La difficulté avec la maladie du sommeil réside dans sa complexité car il n’y a pas de signes cliniques spécifiques à la maladie, la rendant difficile à diagnostiquer3. Si elle est détectée, le stade de la maladie est déterminé et implique une ponction lombaire désagréable4. Cependant, si elle n’est pas traitée, la THA est généralement mortelle5,6. Comme il n’existe actuellement aucun vaccin ou chimioprophylaxie contre la maladie du sommeil, la lutte contre la THAg repose sur le contrôle du vecteur, le diagnostic et le traitement. Il s’est avéré essentiel d’intégrer le contrôle du vecteur dans les stratégies axées sur le « dépistage-diagnostic-traitement » pour rapprocher les pays de l’objectif d’éradication.5,6 Pour accélérer l’éradication de la THAg, Trypa-NO! a été lancé en 2016 dans le cadre d’un partenariat entre la Foundation for Innovative New Diagnostics (FIND), l’Institut français de Recherche pour le Développement (IRD), la Liverpool School of Tropical Medicine (LSTM) et Vestergaard, avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates (BMGF)1. Ce partenariat a pour but d’harmoniser et d’intégrer le dépistage, le diagnostic et le traitement de la maladie du sommeil avec le contrôle des mouches tsé-tsé au Tchad, en Côte d’Ivoire, en République de Guinée et en Ouganda. Ce orojet soutient ZeroFly® Tiny Targets, une intervention rentable pour contrôler les mouches tsé-tsé avec le potentiel d’éradiquer la THAg dans les pays touchés.7

ZeroFly® Tiny Targets est une méthode rentable pour contrôler les vecteurs. De petits panneaux de tissu de couleur bleue sont imprégnés d’insecticide et fonctionnent en attirant les mouches tsé-tsé porteuses de la maladie vers la cible et en les tuant à son contact.

Joseph Ndung’u est le chef du programme MTN et le directeur exécutif de FIND Kenya. Vétérinaire titulaire d’un doctorat en immunopathologie de la THA, le professeur Ndung’u a consacré sa carrière aux maladies tropicales négligées (MTN). En 2019, il a reçu le prestigieux prix d’excellence de l’Union Africaine pour ses réalisations et sa contribution à la recherche et à la lutte contre les mouches tsé-tsé et la trypanosomiase. Dans cet entretien, le professeur Ndung’u répondra à des questions pertinentes liées aux progrès dans l’éradication de la maladie du sommeil et au partenariat Trypa-NO!.

Les opinions exprimées dans ces questions-réponses sont celles de l’auteur et ne reflètent pas le point de vue de Vestergaard.

Fin 20191, FIND, IRD et LSTM ont annoncé l’extension du projet Trypa-NO! financé par BMGF. Un article mentionnait que l’Ouganda et la Côte d’Ivoire étaient sur le point d’éradiquer la THAg. Quels sont les progrès réalisés à ce jour ? Quelles difficultés persistent sur la voie de l’éradication ?

Il est vrai que l’Ouganda et la Côte d’Ivoire ont réussi à éliminer la THAg en tant que problème de santé publique tel que défini par l’OMS, compte tenu des cas signalés chaque année. Cependant, la validation par l’OMS de cette élimination n’est effectuée qu’après que le pays a soumis un dossier, conformément aux directives de l’OMS. En 2020, la Côte d’Ivoire a soumis son dossier, et bien que celui de l’Ouganda soit finalisé, il n’a pas encore été soumis. La mise en œuvre de stratégies de surveillance à long terme qui ne dépendent pas de fonds versés par des donateurs constitue un défi majeur pour poursuivre durablement cette éradication.

Ce partenariat global a donné d’excellents résultats, entrainant une extension du projet. A) Pourrait-on imaginer davantage de partenariats public-privé dans le domaine de l’éradication des maladies ? B) En termes de stratégies de contrôle et d’éradication, quelles seraient les principales similitudes et différences entre le paludisme et la THA ?

A) Il y aura certainement d’autres partenariats de ce type, et je crois que Trypa-NO! n’est pas le premier, même pour la THAg. Nous l’avons vu par exemple dans les dons de médicaments. B) La lutte contre les deux maladies s’accélère lorsque le vecteur est contrôlé et que les individus infectés sont traités. Cependant, contrairement à la THAg, le paludisme est également évité grâce à la chimioprophylaxie. De même, l’éradication des deux maladies s’accélère lorsque la maladie et le vecteur sont ciblés. La THAg pourrait cependant être éradiquée plus rapidement que le paludisme, car il s’agit d’une maladie très focale et son taux de transmission est beaucoup plus faible.

Comment l’intégration du contrôle de la mouche tsé-tsé (à l’aide de Tiny Targets) avec le dépistage, le diagnostic et le traitement, a-t-elle contribué à l’éradication de la maladie ?

La réduction des densités de mouches tsé-tsé fait baisser le taux de transmission de la maladie, et si cette réduction est durable, la transmission de la maladie pourrait finir par être interrompue. Cependant, étant donné que la THAg est une maladie chronique qui dure de plusieurs mois à plusieurs années, les individus infectés dans une communauté restent des réservoirs, et comme les mouches tsé-tsé subsistent toujours, ces individus seraient une nouvelle source de transmission. Le dépistage, le diagnostic et le traitement des patients infectés éliminent leur statut de réservoir, et lorsque les deux approches sont combinées, le processus d’éradication s’accélère.

La réduction des densités de mouches tsé-tsé fait baisser le taux de transmission de la maladie, et si cette réduction est durable, la transmission de la maladie pourrait finir par être interrompue.

FIND s’efforce d’identifier des solutions pour accélérer l’accès sur le marché à des outils de diagnostic innovants. Comment cela se traduit-il dans l’environnement de la THA et des MTN ? C’est un sujet d’un grand intérêt pour des groupes innovants comme Vestergaard qui sont impliqués dans le développement de meilleurs outils de contrôle des vecteurs. Pouvez-vous nous faire part de certaines difficultés et des réussites que vous connaissez ?

Dans l’environnement de la THA et des MTN, FIND commence à développer une stratégie d’accès au moment où une décision est prise pour développer la solution de diagnostic. Bien conscient que les outils de contrôle des MTN n’ont aucun intérêt commercial et que la plupart des pays où de telles maladies surviennent ont une capacité limitée à se procurer les outils, FIND s’efforce de mobiliser des ressources, pour par exemple faire en sorte que ces outils deviennent accessibles aux personnes qui en ont besoin, à moindre coût ou gratuitement. Le partenariat Trypa-NO! en est un exemple classique, en permettant de rendre accessibles sans frais les outils de contrôle du vecteur, de dépistage et de diagnostic aux pays d’endémie et aux communautés touchées. La contribution des pays est « en nature ». La plus grande difficulté réside dans la réalisation d’un tel arrangement, mais une fois en place, l’effort en vaut la peine. L’autre difficulté est de maintenir l’effort lorsque le financement par des donateurs ou les dons des entreprises prennent fin, ce qui représente une grande menace pour la poursuite de l’éradication.